Lorsqu’on décide d’avoir une approche plus responsable et éthique dans l’achat des cosmétiques, on se rend vite compte que – comme pour bien des domaines – tout n’est pas que noir ou blanc. Tôt ou tard, on se heurte à certaines interrogations: n’est-ce pas un peu hypocrite d’acheter des produits vegan friendly auprès d’une marque qui commercialise également des produits avec des ingrédients tels que la cire d’abeille? Suis-je encore légitime dans ma démarche de protection animale si une marque qui était en accord avec mes convictions a été rachetée par une compagnie qui teste, mais que je souhaite quand même la soutenir?Il n’y a pas de règles bien définies et par conséquent, il est difficile de donner une réponse universelle à ces questions. La seule chose qu’il est important de retenir est que oui, vous êtes toujours légitime et non, faire tel ou tel choix ne fait pas de vous une meilleure personne que ceux qui ne partagent pas votre avis, ou au contraire, un·e vegan·e « imparfait·e » qui a trahi la cause.
Ces dernières années, entre The Body Shop et Urban Decay qui ont été rachetées par L’Oréal (bien que depuis, ça ait changé en ce qui concerne The Body Shop), et Too Faced qui a rejoint le groupe Estée Lauder, on a vu pas mal de marques se faire mettre le grappin dessus par des « géants » du monde de la beauté. Certain·e·s l’ont vu comme une trahison et ont choisi une solution pour le moins radicale : le boycott. D’autres ont décidé de passer outre, et de continuer à leur faire confiance. Pour ma part, j’ai énormément hésité avant d’en arriver à une décision vis-à-vis de cette situation, mais c’était surtout parce que j’étais très mal informée. Je penais à trouver des réponses aux questions qui me paraissaient pourtant simples – si une marque connue pour son engagement contre les tests sur les animaux est rachetée par une grande compagnie n’ayant pas du tout la même éthique, cela veut-il dire qu’elle commence à pratiquer des tests aussi, que ce soit sur le produit fini ou les ingrédients? Mon argent sert-il à financer ces tests?
J’avais également du mal à me faire mon propre avis sur la question, parce que je n’arrêtais pas de lire des opinions très différentes.
Et finalement, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas un côté qui avait raison et un qui avait tort. Cela dépendait des gens, de leur vécu, de leur sensibilité, de leur façon de voir les choses. On ne peut tout simplement pas forcer tout le monde à penser pareil, mais ce qu’on peut (et doit!) faire en revanche, c’est de mettre à leur disposition un maximum d’informations pour qu’ils puissent en tirer leurs propres conclusions. Personnellement, je me suis beaucoup documentée, j’ai contacté les marques en question, j’ai parcouru des dizaines de blogs à la recherche d’autres échanges avec les marques concernées, j’en ai longuement discuté avec d’autres personnes mieux informées, bref, j’ai fais de mon mieux pour avoir toutes les cartes en main avant de décider quelle serait ma position.
Voilà ce qu’on doit savoir : une marque cruelty-free (de préférence certifiée par un logo officiel, c’est toujours mieux) ne se met pas à tester du jour au lendemain, simplement parce qu’une compagnie qui teste ses produits a investi dedans.
Par exemple, suite au rachat de NYX par L’Oréal, NYX n’ont pas perdu leur statut cruelty-free pour autant. A titre personnel, ce n’est pas une marque qui m’attire particulièrement, même s’ils ont récemment sorti des produits vegan-friendly (sans cire d’abeille, cochenille, etc) Elle peut être interessante car elle reste abordable, mais selon moi, il existe des marques nettement plus cool, que ce soit pour les rouges à lèvres et gloss, fards à paupières ou autres. Too Faced ont également conservé leur statut cruelty-free, continuent de proposer des produits où il n’y a aucun ingrédient d’origine animale, et ce malgré leur « appartenance » à Estée Lauder. Même Kat Von D, dont la créatrice est elle-même vegan (bien que sujette a de nombreuses polémiques, mais c’est une autre histoire) fait partie d’un groupe qui, quand on commence à creuser, possède aussi des marques qui sont loin d’être irréprochables. Cela veut-il dire qu’on doit leur tourner systématiquement le dos? A mon avis – et ça n’engage que moi – non. Je ne pense pas que c’est en boycottant toute initiative, même si elle n’est pas parfaite à nos yeux, qu’on arrivera à faire évoluer les choses. Les compagnies comme Estée Lauder, L’Oréal, etc, doivent au contraire comprendre qu’on soutient les marques qui sont engagées contre les tests. Et dans ce cas précis, en tant que consommateur·rice, c’est avec notre argent qu’on peut « voter » et faire bouger les choses. Aujourd’hui et au risque d’être jugée par certain·e·s (grand bien leur fasse) je peux vous dire qu’il m’arrive parfois d’acheter un produit des marques Too Faced ou Urban Decay. Dans la mesure du possible, j’essaie toujours de trouver des alternatives plus « éthiques » aux produits que j’aime, mais ça n’aboutit pas toujours; j’avais par exemple remplacé le correcteur Born This Way par celui de Wet’n’Wild, avant d’apprendre que cette marque était implantée sur le marché chinois depuis des années alors qu’elle affirmait le contraire! Dans ce cas précis, j’ai donc préféré retourner a Too Faced, qui ont refusé de voir la marque commercialisée en Chine à cause de leurs lois et les tests imposés. Le fait est que quand je suis face à ce genre de dilemme, je refuse de culpabiliser pendant des jours et je ne me considère pas comme une mauvaise vegan pour autant.
Décider de soutenir (ou non) une marque qui a de bons engagements, même après son rachat par une compagnie qui n’a pas les mêmes valeurs, reste un choix que chacun doit faire pour soi. Je trouve qu’il est nettement plus grave de soutenir une marque cruelty-free qui est physiquement implantée en Chine (où comme dit plus haut, les tests sont parfois imposés) car à mes yeux, elle perd le statut cruelty-free en choisissant de commercialiser dans ce pays, troquant ses valeurs contre la perspective de gagner plus d’argent. Cependant, avant de boycotter une marque qui appartient à un groupe tel que Estée Lauder, posez-vous simplement ces questions : allez-vous faire vos courses en grande surface, ou même Biocoop ou Naturéo, sachant qu’on y vend de la chair animale et des POA à tout bout de champ? Il est fort probable que la réponse soit oui, car pour le moment, il est quasi-impossible d’éviter à 100% tout lien (direct ou non) avec des industries qu’on aimerait voir disparaître avec le temps. Dans tous les cas, il ne s’agit pas de se comparer aux autres, de juger celles·eux qui n’ont pas la même vision des choses que vous, ou d’y voir un prétexte pour rabaisser quelqu’un qui fait déjà des efforts au quotidien. Pour vous donner un exemple, j’ai déjà vu des personnes qui avaient décidé de devenir vegan mais ont gardé leurs anciennes paires de chaussures en cuir au lieu de les jeter (avec l’optique de ne plus en racheter, bien évidemment) se faire critiquer sur les réseaux sociaux, au lieu d’etre encouragées et soutenues. Un tel jugement est, selon moi, totalement contre productif.
Je vous partage ci-dessous les logos auxquels on peut se fier en ce qui concerne l’absence des tests sur les animaux, ainsi que trois logos officiels pour tous les produits vegan – le 3e de la première rangée est le plus connu mais il a récemment changé et va disparaître petit à petit au profit de celui juste à côté, avec la mention PETA bien en évidence. Ces logos ont également la mention « vegan » si le produit est certifié cruelty-free & vegan (et c’est toujours mieux!) mais ce n’est pas toujours le cas alors que la composition peut l’être, il faut donc effectuer des petites recherches et trouver des listes de produits vegan-friendly sans que ce ne soit explicitement marqué sur les produits. Pour celleux qui lèveraient les yeux au ciel en marmonnant « Qu’est-ce que c’est compliqué quand même », pensez à tous les êtres sentients qui souffrent pour que vous puissiez vous vanter d’un rouge à lèvres Yves-Saint Laurent; c’est pour eux que c’est compliqué, pas pour vous. Et surtout, c’est d’une cruauté et d’une injustice sans nom que nos caprices créent des milliers de victimes alors qu’il existe des alternatives de plus en plus nombreuses.
Chaque pas dans la bonne direction, aussi petit soit-il, est important. Une personne qui décide de se débarrasser de son maquillage signé Maybelline ou Chanel pour le remplacer par des marques cruelty-free, même celles qui appartiennent à des compagnies qui ne le sont pas, est déjà sur la bonne voie. A nous de faire de notre mieux afin de les renseigner, leur faire connaître des marques cruelty-free indépendantes (d’ailleurs, à part le rouge à lèvres Kat Von D, toutes celles présentes sur les photos de l’article le sont!) et de leur ouvrir un peu plus les yeux, notamment sur les ingrédients d’origine animale qui sont, en fin de compte, inutiles et ne changent rien à la qualité des cosmétiques. Le maquillage est un plaisir et un luxe, à nous de faire en sorte qu’il n’engendre pas de souffrances injustifiées.

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